Le dimanche 13 juillet 2025 restera une date marquante dans le combat pour la reconnaissance du football féminin en France, mais pas pour les raisons sportives espérées. Ce jour-là, TF1 a choisi de déprogrammer la diffusion en prime time du match crucial des Bleues contre les Pays-Bas, au profit de la finale masculine de la Coupe du Monde des clubs mettant en scène le Paris Saint-Germain. Une décision lourde de symboles, qui révèle une fois de plus combien le sport féminin est relégué au second plan par les grands médias, malgré les avancées sportives et l’engouement populaire croissant.
Quand la visibilité des femmes s’efface au profit du football masculin.
Ce qui aurait dû être une célébration du haut niveau sportif féminin s’est transformé en une déception amère pour les joueuses, les supporters et les défenseurs de l’égalité. Initialement prévu sur la première chaîne publique, le match des Bleues a été relégué sur TMC, une chaîne moins visible, où l’audience est notoirement plus faible. Ce choix éditorial, justifié sous couvert d’audiences et de calculs économiques, s’inscrit dans un schéma récurrent : le sport masculin est perçu comme plus rentable, plus « fédérateur », et donc prioritaire.
Pourtant, le football féminin ne cesse de progresser en popularité et en qualité. L’Euro féminin 2022 a battu tous les records d’audience en France, les clubs féminins professionnels attirent de plus en plus de spectateurs, et les joueuses françaises sont parmi les meilleures au monde. Alors pourquoi cette invisibilisation répétée ?
La mobilisation populaire et la pression sur TF1 : un premier pas, mais pas une victoire finale
Face à la polémique et à la déception générale, TF1 a fait marche arrière. La chaîne a finalement revendu les droits de diffusion à France 2, qui a programmé le match des Bleues à 20h30, heure de grande écoute. Ce revirement, obtenu grâce à la mobilisation des fans, des journalistes sportifs et des militantes féministes, a permis au match d’être visible sur une chaîne de premier plan.
Ce succès temporaire ne doit cependant pas masquer l’essentiel : ce retour est l’exception qui confirme la règle. Il souligne surtout la nécessité d’une vigilance constante face aux pratiques qui continuent à marginaliser le sport féminin. Que cette visibilité soit conditionnée à la pression populaire ou médiatique témoigne de l’absence de considération systématique et institutionnelle.
Une question politique et culturelle : combattre le sexisme structurel dans le sport
La relégation du football féminin sur des chaînes secondaires ou des horaires décalés n’est pas un hasard. Elle est l’expression d’un sexisme structurel qui traverse le monde sportif et médiatique. Ce sexisme se manifeste dans le financement, la couverture médiatique, la publicité et même dans les discours.
Il est urgent de déconstruire ces mécanismes qui perpétuent une hiérarchie genrée des sports, où le masculin est la norme et le féminin l’exception à « tolérer ». L’égalité réelle passe par un engagement fort des médias, des institutions sportives et des diffuseurs pour garantir une exposition équitable, qui ne dépend pas de la pression externe mais d’une volonté affirmée.
Pour un futur où les femmes seront enfin au cœur du jeu
Ce combat dépasse largement le football. Il concerne la reconnaissance des femmes dans tous les domaines sportifs et plus largement dans la société. La visibilité médiatique est un levier puissant pour changer les imaginaires, inspirer les jeunes générations et promouvoir une culture d’égalité.
La bataille pour que le football féminin soit traité à égalité dans les grilles de programmes télévisés est un enjeu démocratique et féministe. Ce que révèle le choix initial de TF1, puis son retour en arrière, c’est l’importance de ne jamais relâcher la pression. C’est un appel à la mobilisation collective pour imposer une véritable révolution culturelle dans le sport.
À lire pour aller plus loin
- Élise Lemaire – « Sexe, sport et médias : L’invisibilité des sportives »
Analyse approfondie des mécanismes médiatiques qui relèguent les femmes sportives à des rôles secondaires ou les sexualisent. Lemaire décrit l’impact de cette invisibilisation sur la légitimité des sportives dans la société. - Christine Mennesson (dir.) – « Femmes, sport et société : Regards féministes »
Recueil d’articles sociologiques qui interrogent les rapports de genre dans le sport, les stéréotypes liés au corps féminin, et les stratégies de résistance et d’émancipation des sportives. - Nelly Cottet – « Le sport féminin, un enjeu politique »
Historique des luttes pour l’égalité dans le sport, avec un focus sur la reconnaissance institutionnelle et la médiatisation, soulignant les blocages persistants et les leviers d’action. - Maud Navarre – « Femmes de sport, hommes de médias »
Enquête sur la place des femmes dans les médias sportifs, avec un regard critique sur la domination masculine dans le journalisme sportif et ses effets sur la représentation des sportives.
