Quand le natalisme dérape – le corps des femmes n’est pas une politique publique.

Quand le natalisme dérape – le corps des femmes n’est pas une politique publique.
Poussette vide sur un trottoir désert – symbole silencieux des choix et des injonctions autour de la maternité.

Face à la baisse persistante de la natalité en France, certaines voix politiques s’élèvent : « Soit on réagit, soit on meurt ». Ce cri d’alarme, souvent sincère, trahit aussi une tentation dangereuse : faire de la politique familiale un outil de redressement national… quitte à remettre en question des libertés fondamentales. Car derrière la volonté affichée de « sauver la France », se profile parfois une vision régressive de la société, où le corps des femmes devient un instrument au service de l’État.

Le risque d’une politique nataliste réactionnaire, c’est de faire passer la maternité de choix personnel à obligation morale. Les discours qui idéalisent la femme-mère, pilier de la nation, s’accompagnent généralement d’un retour aux « valeurs traditionnelles » : le couple marié, l’enfant-roi, la femme au foyer. Ce modèle, défendu par exemple en Hongrie, ne se contente pas d’encourager les naissances : il les conditionne à un mode de vie. Les femmes sans enfants ? Invisibilisées. Les familles monoparentales ? Moins aidées. Les couples homosexuels ? Exclus. Ce n’est plus une politique familiale, c’est un projet de société imposé.

Pire encore : le corps des femmes devient un territoire politique. On le récompense quand il enfante, on le culpabilise quand il résiste. L’avortement est parfois tacitement dissuadé, la contraception marginalisée, le non-désir d’enfant moqué. Or, faire des enfants n’est ni une dette envers la nation, ni une mission sacrée : c’est un choix intime. En prétendant sauver la France, certains glissent dangereusement vers une instrumentalisation du féminin, où la femme ne vaut que par sa capacité à enfanter.

Ce n’est pas la baisse de la natalité qui doit nous inquiéter, mais ce qu’on est prêt à sacrifier pour la contrer. Une démocratie ne se mesure pas au nombre de berceaux, mais à la liberté qu’elle garantit à chacun de choisir sa vie. Plutôt que de construire une politique nataliste à marche forcée, engageons-nous pour une société où il est possible, pas obligatoire, de faire des enfants. Cela passe par des services publics solides, l’égalité réelle entre les sexes, le respect des choix de vie.

Car l’avenir d’un pays ne se joue pas uniquement dans ses maternités, mais aussi dans le regard qu’il porte sur ses citoyennes. Et c’est là que tout commence, ou s’effondre.


Nos ventres ne sauveront pas la nation

Face à la baisse de la natalité, les discours alarmistes se multiplient : « Soit on réagit, soit on meurt. » Et qui doit « réagir », selon eux ? Toujours les mêmes : les femmes. Encore et toujours les femmes. Pas en tant que citoyennes libres, mais en tant qu’utérus mobilisables pour relancer la machine nationale.

Ce que certains appellent une « politique nataliste ambitieuse » cache en réalité une offensive réactionnaire. Derrière les primes à la naissance et les exonérations fiscales pour mères de famille nombreuse, se profile une vision dangereuse : celle d’un ordre moral où la femme doit être mère, mariée, au foyer — et surtout, silencieuse.

Le modèle hongrois est brandi en exemple ? Parlons-en. Là-bas, on efface les droits des femmes sous prétexte de sauver l’identité nationale. Pas d’avortement facile, pas de reconnaissance pour les familles non traditionnelles. Ce n’est pas une politique familiale, c’est un projet politique autoritaire, où enfanter devient un acte patriotique, presque obligatoire.

Nous refusons ce glissement. Nous refusons que nos corps soient réduits à des fonctions reproductives. Nous refusons que notre valeur dépende du nombre d’enfants que nous mettons au monde. Ce n’est pas à nous de réparer les retraites, de sauver l’économie ou de porter le futur démographique d’un pays fatigué.

Ce qu’il faut ? Des crèches accessibles, des congés parentaux équitables, un partage réel des tâches, une vie digne pour tous. Ce qu’il faut ? Le respect absolu de notre liberté à choisir : avoir des enfants, ou pas. Se marier, ou pas. Élever une famille, ou mener une vie sans descendance, sans justification à fournir.

La natalité ne doit jamais être un devoir. La maternité ne doit jamais être une politique d’État. Nos ventres ne sont pas à la disposition de la République.

À lire pour aller plus loin

Sur le natalisme, le corps des femmes et les politiques publiques

1. Geneviève Delaisi de Parseval – L’enfant à tout prix : Le marché de la procréation

Une analyse percutante des enjeux éthiques et politiques de la procréation, notamment dans le cadre des politiques natalistes et des logiques marchandes.

2. Françoise Vergès – Un féminisme décolonial

Elle questionne les formes de féminisme dominantes et revient notamment sur l’instrumentalisation du corps des femmes racisées dans les politiques démographiques.

3. Corinne Maier – No Kid : Quarante raisons de ne pas avoir d’enfant

Un pamphlet volontairement provocateur, mais qui met en lumière la pression sociale à faire des enfants — une forme de résistance individuelle.

4. Elisabeth Badinter – Le Conflit : La femme et la mère

Un ouvrage-clé pour comprendre comment la maternité est parfois instrumentalisée contre les droits des femmes, y compris par des discours progressistes.

5. Sylviane Agacinski – Corps en miettes

Philosophe féministe, elle explore les implications politiques et philosophiques du rapport au corps dans nos sociétés modernes — y compris les corps « mobilisables » pour la nation.

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