Chien-Shiung Wu est une physicienne sino-américaine dont les travaux ont profondément marqué la physique nucléaire. Née en 1912 en Chine, elle a dû surmonter de nombreux obstacles, tant liés à son genre qu’à son origine, pour s’imposer dans un milieu scientifique largement dominé par les hommes occidentaux. Pourtant, ses découvertes majeures sont restées longtemps méconnues, et sa contribution a été éclipsée par ses collègues masculins.
Une jeunesse brillante et un parcours international
Chien-Shiung Wu grandit dans une famille chinoise lettrée où l’éducation des filles est valorisée, un fait rare à l’époque. Passionnée par les sciences, elle quitte la Chine pour étudier aux États-Unis, à l’Université de Californie à Berkeley puis à l’Université de Princeton. Elle obtient son doctorat en physique en 1940, période où la recherche scientifique est en pleine effervescence, notamment autour des applications militaires.
La célèbre expérience de Wu sur la parité
En 1956, deux physiciens théoriciens, Tsung-Dao Lee et Chen Ning Yang, proposent une hypothèse révolutionnaire : la non-conservation de la parité dans les interactions faibles. Jusqu’alors, on pensait que la nature était symétrique lorsqu’on inversait l’espace (effet miroir), c’est-à-dire que les lois physiques s’appliquaient de la même façon dans une version « miroir » de l’univers.
Lee et Yang suggèrent que cette symétrie pourrait être violée. Mais il fallait une preuve expérimentale. C’est Chien-Shiung Wu qui réalise cette expérience capitale en 1957. Elle travaille sur la désintégration bêta du cobalt-60, à très basse température, dans un environnement magnétisé. Ses mesures démontrent que la désintégration ne se produit pas de manière symétrique, prouvant ainsi la violation de la parité.
Cette découverte bouleverse les fondements de la physique. Elle ouvre la voie à une meilleure compréhension des forces fondamentales de l’univers.
Une injustice scientifique
En 1957, le prix Nobel de physique est décerné à Lee et Yang pour cette découverte théorique. Pourtant, la contribution expérimentale décisive de Chien-Shiung Wu est ignorée. Ce choix soulève de nombreuses critiques : une femme, asiatique, dont le travail a permis de valider une hypothèse majeure, est privée du plus prestigieux des prix.
Ce n’est pas la seule fois que Wu sera marginalisée. Malgré une carrière exceptionnelle et de nombreuses récompenses, elle restera souvent dans l’ombre des hommes avec qui elle a collaboré.
Une carrière remarquable et un engagement constant
Chien-Shiung Wu est également connue pour ses contributions pendant la Seconde Guerre mondiale, où elle travaille sur la séparation isotopique de l’uranium dans le cadre du projet Manhattan.
Après la guerre, elle enseigne et poursuit ses recherches à l’Université Columbia, où elle forme plusieurs générations de physiciens. Elle s’engage aussi pour la promotion des femmes et des minorités dans les sciences, dénonçant les discriminations et encourageant l’égalité des chances.
Un héritage durable
Wu reçoit de nombreux honneurs au cours de sa vie : elle est la première femme présidente de l’American Physical Society, membre de l’Académie nationale des sciences et lauréate de la National Medal of Science.
Elle meurt en 1997, laissant derrière elle une trace indélébile dans la physique expérimentale et dans la lutte contre les préjugés dans la communauté scientifique.

